Société
Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, Stanis Bujakera Tshiamala vient, avec son mot à l’occasion de sa libération, de révéler sa passion pour son travail et, par-là, un fait fort intéressant, à savoir : « la prison centrale de Makala est une sorte d’antichambre de la mort. Conçue initialement pour 1500 individus, elle en contient aujourd’hui plus de 14.400, dont près de 9 000 en attente de jugement ». Les réactions n’ont pas attendu. Sans doute les plus importantes sont venues du côté de l’exécutif et de la justice. Pour le 1ᵉʳ président de la Cour de cassation, « Tous ceux qui sont en détention de manière hasardeuse, nous allons les libérer »rapporte la presse. Du côté de l’exécutif, la ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Rose Mutombo Kiese a mis en place, une commission spéciale dans le but de remédier à la surpopulation carcérale qui sévit dans les prisons de Makala et de Ndolo. Et finalement, les prisonniers ont commencé à quitter Makala. Dans un premier temps, on a 67 libérés. Ainsi de suite.
Jusqu’où cette problématique de la surpopulation carcérale s’étend à travers le pays ? Difficile à dire avec exactitude d’autant plus que les chiffres officiels ne sont jamais rendus publics, du moins dans l’hypothèse où ils existeraient. Encore une fois, on est en face d’une réalité qui empêche un débat public intelligent et une prise de décision efficace. Le système statistique national, de manière générale, est défaillant. Néanmoins, la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) produit des rapports qui fournissent quelques informations utiles, notamment le Rapport semestriel de visites des prisons et la situation des détenus en RDC (juin 2020).
Le graphique suivant est fondé sur les données collectées dans ce Rapport, qui n’est pas toujours fréquent et exhaustif. Il rapporte le nombre de détenus au jour de la visite de la CNDH sur le nombre prévu à la construction de ladite prison ; ce qui permet de se prononcer sur la surpopulation. À cette date-là, la prison centrale de de Kipushi était celle ayant le ratio le plus important, détenant 5,6 fois plus de détenus que ne prévoit la prison à la base. La prison centrale arrive en dernier, quoique étant toujours dans la surpopulation.
Cette surpopulation carcérale plonge ainsi les prisons congolaises dans la catégorie des prisons aux conditions carcérales plus sévères. Or, cette réalité n’est pas sans conséquence. En effet, il est établi que des conditions carcérales plus sévères entraînent une augmentation de la criminalité après la libération. Les détenus à sécurité plus élevée ne sont pas moins susceptibles de récidiver que ceux qui sont incarcérés à sécurité minimale. Parmi les conditions de détention difficiles qui augmentent l’activité criminelle après la libération, sont la surpopulation carcérale, les décès en prison et le degré d’isolement.
Or, selon les différents rapports annuels d’activités de Commission nationale des droits de l’homme, il est indiqué que la plupart des prisons sont construites depuis l’époque coloniale. On n‘en crée pas, en dépit de l’explosion démographique. Etant donné cette surpopulation carcérale et les conséquences documentées dans les études scientifiques susmentionnées notamment, il est urgent d’en créer d’autres. D’ailleurs, une étude récente a évalué l’impact d’un programme de construction de prisons pour les effets de la qualité carcérale sur la récidive. Pour ce faire, il considère les affectations quasi-aléatoires des détenus dans des prisons plus récentes, moins surpeuplées et mieux desservies. Pour les détenus affectés à des établissements plus récents, il trouve que la probabilité de retourner en prison dans un délai d’un an est inférieure de 36 %. Le programme a permis d’obtenir des gains substantiels en matière de bien-être, même en supposant un faible coût social par crime.
Alors, on le fait ou pas ? Évidemment, la réponse est claire. Il est temps d’attaquer cette question de surpopulation carcérale. Mais dans un pays où les vices se sont propagés (corruption, kuluna, etc.), les potentiels candidats à l’emprisonnement demeurent importants. Il faut donc envisager de meilleures prisons et, par ricochet, de nouvelles créations pour éviter de répéter ad infinitum la surpopulation, qui sème le germe du prochain emprisonnement, avec des conséquences sur la quiétude de la population victime. Contre-intuitive certes, mais, évidence à ne pas négliger.
*Oasis KodilaTedika est un économiste et auteur récemment du livre Financement du développement en RDC : diagnostic, opportunités et perspectives.
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