Des chercheurs français ont découvert un jeune océan interne sur Mimas !

La petite lune de Saturne va devenir une cible de choix pour étudier les conditions primitives d’apparition de la vie dans le système solaire.

Le grand public la surnomme l'étoile de la mort pour sa ressemblance avec l'astre imaginaire de la saga Star Wars créée par George Lucas. En effet, Mimas, l'une des lunes de Saturne, est marquée comme lui d'un grand cratère. De plus, avec sa surface glacée et grêlée de toute part – autrement dit très ancienne –, ce surnom semble lui aller comme un gant…

« S'il y a un endroit dans l'Univers où l'on ne s'attend pas à trouver des conditions favorables à la vie, c'est bien Mimas », souligne l'astronome Valéry Lainey, de l'Observatoire de Paris, visiblement amusé. Car les apparences sont parfois trompeuses : ses collègues et lui viennent tout juste de découvrir que, sous ses airs mornes, Mimas ne cache rien de moins qu'un océan global interne d'eau liquide.

Le cinquième connu seulement dans notre système solaire ! De quoi faire de ce satellite naturel d'environ 400 kilomètres de diamètre l'un des lieux les plus hospitaliers pour la vie dans le voisinage de la Terre, exactement comme sa fausse jumelle Encelade avec ses geysers et sa surface jeune et lisse. Qui aurait pu s'en douter ?

« Un objet froid, gelé, inhabitable »

C'est en étudiant les mouvements de la Lune dans l'espace que l'équipe de Valéry Lainey, chercheur à l'Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (IMCCE), est parvenue à déterminer ce que Mimas avait dans le ventre. S'appuyant sur les images réalisées par la sonde Cassini, qui a exploré le système de Saturne entre 2004 et 2017, ces scientifiques ont d'abord étudié la rotation de la lune autour de son axe.

En effet, si Mimas est, comme notre lune et la plupart des satellites naturels, en rotation synchrone autour de sa planète – à savoir qu'elle tourne sur elle-même à la même vitesse qu'elle effectue une révolution autour de Saturne, lui présentant toujours la même face –, elle est également animée de petites oscillations que les astronomes appellent librations. Des sortes de balancements de la lune sur son axe – liés à l'interaction gravitationnelle entre sa planète et elle – qui peuvent renseigner les scientifiques sur sa structure interne.

C'est ainsi que, dès 2014, Le Point vous expliquait que les travaux de cette même équipe avaient mis en lumière la possibilité de l'existence d'un océan caché sur Mimas. Ses résultats pointaient précisément vers deux modèles d'intérieur possibles : soit cette lune possédait un gros noyau rocheux assez allongé, soit elle dissimulait un océan liquide et global sur lequel glissait une coque de glace.

« Mais je vais être très honnête avec vous : dès 2015, la solution du noyau allongé avait convaincu pratiquement tout le monde et, aujourd'hui encore, alors que notre dernière étude est sur le point d'être divulguée, l'écrasante majorité de la communauté scientifique croit toujours que Mimas est un objet froid, gelé, inhabitable, indique Valéry Lainey. Nous aurions pu en rester là, mais nous étions vraiment frustrés. Nous avons donc cherché un moyen de départager ces deux hypothèses. »

« Propice à l'apparition de la vie »

C'est ainsi que les chercheurs ont décidé d'étudier non plus la rotation de Mimas sur elle-même, mais son mouvement orbital. « Nous avons en particulier cherché à voir dans quelle mesure celui-ci pouvait trahir sa structure interne », explique Valéry Lainey. Pour cela, l'équipe a procédé à l'analyse fine de la précession orbitale de la lune, c'est-à-dire du mouvement de rotation progressif de l'orbite du satellite autour de sa planète.

« Si l'ensemble du satellite était rigide, alors cette précession devait être lente, tandis que, si celui-ci possédait une couche d'eau liquide, elle devait être plus rapide. La différence de position entre les deux modèles était de dix kilomètres au bout de treize ans. Nous avons donc cherché un signal correspondant dans les données recueillies par la mission Cassini. »

Sachant que l'orbite de Mimas est extrêmement perturbée par Saturne, par ses anneaux ainsi que par ses autres satellites, cela revenait à chercher une aiguille dans une botte de foin. « Néanmoins, grâce aux dizaines de milliers d'images de Cassini que nous avons réduites, essentiellement à la main, pour obtenir la position de chacune des lunes de Saturne, nous sommes capables de vous dire aujourd'hui qu'il est impossible que Mimas possède un intérieur rigide, quel que soit le modèle de structure interne envisagé. Mimas abrite donc bien un océan sous sa coque de glace », jubile le spécialiste en mécanique céleste.

« En fait d'étoile de la mort de Star Wars, elle tient plus de la lune Genesis dans la saga Star Trek de Gene Roddenberry : un astre froid absolument inhabitable qui, d'un claquement de doigts, devient un objet propice à l'apparition de la vie. »

Le cœur réchauffé par une orbite plus elliptique

En combinant leurs données concernant la rotation, la libration et la précession de l'orbite de Mimas, les chercheurs ont même réussi à déterminer que cet océan se trouvait sous une couche de glace de vingt à trente kilomètres d'épaisseur en moyenne. « Ce qui explique parfaitement pourquoi on n'observe pas d'événements géologiques trahissant la présence de cet océan liquide en surface, souligne Valéry Lainey. D'autant que cet océan est relativement jeune. »

En effet, les scientifiques sont parvenus à déterminer que celui-ci s'était formé il y a seulement 5 à 15 millions d'années environ, du fait d'un triplement de l'excentricité de l'orbite de Mimas lié à l'influence gravitationnelle de plusieurs autres lunes de Saturne, en particulier ses voisines Encelade et Thétys. Autrement dit, Mimas serait passée d'une orbite presque circulaire à une orbite beaucoup plus elliptique.

De là, le satellite se rapprochant puis s'éloignant de Saturne à chaque révolution, des frictions internes auraient provoqué un réchauffement brutal de son cœur ayant permis d'atteindre la température nécessaire à la formation de cet océan global.

Au passage, ces modifications de l'orbite de Mimas seraient également à l'origine de ce que les scientifiques appellent la division Cassini, une zone sombre libre de particules de glace au cœur des anneaux de Saturne. Une curiosité observée pour la première fois, en 1675, par le premier président de l'Observatoire de Paris, l'Italien Jean-Dominique Cassini, et restée depuis lors une énigme.

Une nouvelle cible pour les missions spatiales

Évidemment, on ne sait encore rien de la composition de ce nouvel océan. En revanche, il est intéressant de noter qu'il n'est pas pris en sandwich entre deux couches de glace – comme celui de la lune de Jupiter Ganymède – mais bien directement en contact avec le noyau rocheux de la Lune. De quoi permettre des réactions chimiques du type de celles susceptibles d'avoir conduit à l'apparition de la vie sur Terre.

Évidemment si cet océan est récent, cela limite aussi le laps de temps pendant lequel ces interactions ont pu avoir lieu. « Autant dire qu'on a peu de chances d'y trouver des exobaleines, mais des bactéries, pourquoi pas », nous précise, avec une pointe d'humour, Kévin Baillié, chercheur CNRS à l'Observatoire de Paris (IMCCE) et coauteur de l'étude.

Pour en apprendre plus sur cette précieuse étendue d'eau extraterrestre, l'équipe espère maintenant parvenir à préciser un peu plus son âge, ce qu'elle pense pouvoir faire en continuant à affiner son étude de la dynamique du système de Saturne.

Quant à sonder cet océan dans le cadre d'une mission spatiale, il va falloir attendre, mais Valéry Lainey y croit. « Si on est capable d'envoyer un hélicoptère, un drone entièrement autonome, sur Titan, comme doit le faire la mission Dragonfly qui a été sélectionnée par la Nasa, on peut pratiquement tout faire. » Il existe d'ailleurs déjà des projets qui visent à essayer de pénétrer la couche de glace de ce genre de lune.

Soit en posant un atterrisseur capable de faire fondre la glace en dessous de lui, grâce à une pile nucléaire, de manière à s'enfoncer jusqu'à l'océan pour recueillir et envoyer des données via un orbiteur. Soit avec un engin en forme de serpentin, entortillé comme un tire-bouchon, qui tournerait sur lui-même pour s'infiltrer dans les failles que l'on trouve au pôle Sud de la grande sœur de Mimas, Encelade, là où sa coque de glace est plus mince. Car les lunes de glace des planètes géantes qui – comme Mimas, Encelade ou Titan – possèdent un océan interne sont en passe de devenir le nouvel eldorado de la recherche de la vie dans le système solaire.